lundi 6 octobre 2008

Cabaret


Cabaret




Incontestablement un grand classique du cinéma...

Avec Liza Minelli (Sally), Michael York et Helmut Griem.


Berlin, 1931.
Sally Bowles est chanteuse dans un cabaret, le Kit Kat Club. Il s'agit de son histoire croisée avec celle d'un jeune homme londonien, Brian ; de leur amour et de leurs peines. Ce film présente plusieurs destins en parallèle : un jeune homme en quête de son identité prêt à jouer le gigolo pour parvenir à ses fins, une riche héritière juive, un baron allemand très porté sur la politique, sans oublier le Maître de Cérémonie.

On pourrait penser que sans contexte historique, Cabaret ne serait qu'une histoire d'amour comme on en voit tant : c'est tout à fait faux. Certes, le fait que ce récit se déroule dans un Berlin en proie à la montée du nazisme ajoute quelque chose à l'intrigue et la rend vivante, magnifique même ; toutefois le film et sa beauté esthétique se suffisent à eux-mêmes, dans mon humble opinion.

La grande force de Cabaret vient du fait que c'est un film extrêmement violent, frappant, qui ne peut laisser indifférent ; mais tout est à peine suggéré, de simples images suffisent à exprimer des milliers de sentiments. On est dans le non-dit et l'implicite, il n'y a aucune scène de gore, de sexe ou de violence (à part le passage à tabac d'un habitué du cabaret, et encore tourné avec tant de délicatesse que cela se confond avec un des numéros présentés) et pourtant on en ressort comme d'une douche froide, pantois sur son siège.

Cabaret, c'est aussi une critique du nazisme et de l'antisémitisme (notamment dans une chanson du Maître de Cérémonie dans laquelle il se pavane avec une guenon en tutu et en disant "if they could see her through my eyes, they would understand", s'ils pouvaient la voir avec mes yeux ils comprendraient, et termine par "she wouldn't look like a Jew at all", elle ne paraîtrait pas juive du tout). Le héros est opposé aux nazis, qui sont présents dans beaucoup de scènes, par exemple une dans une taverne de campagne où un jeune homme blond aux yeux bleus commence à chanter "Tomorrow belongs to me" (demain m'appartient). Là, la caméra descend et on aperçoit un brassard avec une croix gammée.

Tout est dans la puissance évocatrice et la violence qui est aussi exprimée par les chorégraphies. L'histoire est ponctuée de shows au cabaret, représentatifs du récit lui-même, comme dans une merveilleuse mise en abyme. Les chants de Cabaret sont devenus des grands classiques : "Mein Herr", "Money makes the world go around", "Maybe this time". Il est à regretter cependant que dans la version dvd, il n'y ait pas de sous-titre pour les chansons, qui restent très compréhensible pour quelqu'un avec une bonne oreille (j'imagine qu'en vf il doit y en avoir).

On peut aussi noter la profondeur des personnages, leurs dilemmes intérieurs très complexes et l'ambiguïté de leurs relations (je pense ici au trio formé par Sally, Brian et Max : amour ? haine ? répulsion ? envie réprimée ? attrait de la fortune ? on ne sait ce qu'éprouve aucun des personnages et ce mystère, combiné à des scènes un peu suggestives, sème le doute chez le spectateur). Chaque personnage a son histoire ancrée dans le contexte, son drame personnel et son propre caractère. L'amour est ici loin d'être sublimé sans être pour autant traîné dans la boue, il est montré avec une grande vérité et c'est encore une force de Cabaret.

Mention spéciale pour le Maître de Cérémonie, qui ne parle jamais (il ne fait que chanter) mais qui, en quelques gestes et mimiques, parvient à ponctuer toute l'histoire et à faire chavirer une situation et une pensée en un instant. On pense que tout va bien, il lui suffit de faire un signe à Sally pour que le spectateur comprenne que non, ce n'est qu'une illusion. Peut-on dire que ce film traite de l'illusion qu'est cette "divine décadence" prônée par les personnages, tout autant que de l'illusion nazie ? Il s'agit peut-être d'une extrapolation mais outre sa beauté, sa profondeur et son rythme endiablé, ce film a une forte valeur morale qui saura plaire.

Mon avis personnel est que Cabaret est un bijou, une pure merveille du cinéma américain, son âge d'or. C'est définitivement un des meilleurs films que j'aie jamais vu, si ce n'est le meilleur. La scène finale choque et laisse le spectateur livré à lui-même et à ses conjectures, le jeu des acteurs et notamment de l'éblouissante Liza Minelli est épatant, le film n'a pas vieilli d'un pouce.
Et puis, Weimar est une époque extrêmement intéressante et traitée avec une justesse touchante.

J'en suis restée conne sur mon fauteuil pendant trois bonnes minutes.

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